Billet d'humeur : la fin du parti socialiste et des verts, la preuve par le marketing
L'idée qu'ont eue Cécile Duflot et Daniel Cohn Bendit de ne pas faire campagne sous la bannière des Verts, idée simple et néanmoins géniale, du point de vue stratégique (souvent, semble-t-il, les idées géniales sont incroyablement simples), pourrait avoir des conséquences importantes dans les mois qui viennent. L'ouverture des listes d'Europe Ecologie à des femmes et des hommes connus pour leur engagement intense - physique dans certains cas - pour la cause qu'ils défendent (Eva Joly, José Bové, Yannick Jadot, etc) a fait son petit effet, à la surprise de tous. Pourtant, il y avait des raisons de s'y attendre.
Même si les résultats de cette élection n'ont qu'une valeur relative, à cause de l'euro-j'menfoutisme latent des Français, une mécanique vertueuse a pu être expérimentée. L'agrégation de personnalités populaires - au sens socialiste du terme - autour d'un projet politique clairement identifié, qui plus est transnational, ouvre la porte à une nouvelle formation politique dans l'hexagone, que de nombreux électeurs de gauche attendaient depuis longtemps.
Le parti socialiste paye ici non seulement ses déchirements récents, mais aussi et surtout, une erreur fondamentale. Il n'a pas su - alors qu'il en était encore temps, au milieu des années 90 - placer l'environnement au premier plan de son projet de société. De leur côté, les verts, nés en 1983 d'une scission de scission de scission de groupuscule bien intentionné, ont gardé de leurs origines un fonctionnement interne riche en cafouillages et luttes intestines, qui laissent peu de place à l'enthousiasme et à l'innovation.
L'écart de 0,6% entre le PS et Europe Ecologie (16.8% pour le PS et 16.2% pour Europe Ecologie) est absolument logique. Dans une société où tout peut être analysé sous l'angle du marketing, la "marque" PS est moribonde, tandis-que celle des Verts s'adresse à un marché de niche. En revanche, le "label" Europe Ecologie fait mouche, parmi des électeurs de gauche qui trouvent enfin de quoi se raccrocher à un idéal digne de ce nom, social et conscient des enjeux planétaires.
Martine Aubry, dans son allocution télévisée qui a suivi l'annonce des résultats, a eu des propos lourds de sens. Après avoir souligné que de nombreux électeurs de gauche ont voté pour Europe Ecologie, elle entend à travers ce plebiscite pour l'environnement "un appel vers un projet qui tourne le dos à la politique libérale", "un message majeur" qu'elle souhaite "lier à la question sociale".
Elle juge aussi que le PS "n'est pas encore crédible". Ce "pas encore" sonne creux. Tout semble au contraire confirmer l'inéluctable naufrage du PS, dont le nom est durablement terni. Non, décidément, la marque PS ne se vend plus, du fait de la plus grande clairvoyance des Français sur les années Mitterrand et de façon plus anecdotique, depuis les années Jospin et Hollande. Ah, que c'est dur de faire le deuil d'un parti dit de gouvernement ! De son côté, la marque "les Verts" tombera de haut, à la prochaine élection, quand elle retrouvera ses petits scores habituels.
Si Martine Aubry venait à pousser son raisonnement un peu plus loin, elle pourrait annoncer prochainement la disparition du parti socialiste. Tel le phénix, celui-ci renaîtrait aussitôt de ses cendres en donnant son envol national à Europe Ecologie. Un tel scénario parie sur la capacité des dirigeants du PS à renoncer à tous leurs petits et grands avantages, au sein d'un parti devenu insupportablement bureaucratique. Autant dire que les chances de le voir se réaliser sont maigres.
Et l'UMP dans tout ça ? Si, pour cette élection précisément, le déport des voies de gauche sur Europe Ecologie a pu être un avantage pour la majorité présidentielle, l'effet d'une alliance de gauche autour des enjeux européens et environnementaux serait une catastrophe. Une telle formation nationale, loin des clivages habituels, qui s'adresserait directement à l'intelligence et proposerait une vision globale, changerait radicalement la donne. Car en dépit de certaines analyses politiques, les français ne sont pas des veaux.